Le Soupir Boisé
I
Le vent souffle, caressant ma peau d’écorce.
Les coups de langue amples et souples de Gâ-oh
Font fléchir mes genoux, bander mon dos ;
Mes mains ondulent en drapeaux devant la force des affolantes rafales.
Tandis que mon torse pousse de douloureux râles,
Ancré au sol, je vis : irrémédiablement enchaîné à la terre.
Tel un radeau n’atteignant jamais les flots,
Dont les troncs et le mât pulsent encore
Pleins de sève et d’espoir. Bien qu’éphémère
Je suis loin d’être frèle, même sans l’eau ; celle qui me fit voir l’aurore.
II
Ces piliers de notre petit univers, joignant la terre à l’air,
Sont mon radeau intellectuel, ils m’acheminent du sol au ciel.
Visant autre qu’un horizon pour éviter de tourner en sphère :
Car à voir en ligne de mire un point de fuite pour toujours figé,
Cela fait monter en moi le plus âcre et pourpre des fiel.
En tant qu’archer, je vise donc l’unisson dans le temple du vivant.
Ma flèche étant le temps ; sa trajectoire serait le vent, et j’accélère
Pendant que ce temple sans piliers s’érodera sous nos pieds,
Avant même d’avoir pu songer à être érigé,
Avant d’avoir ouï de Boréas son soupir dernier.
III
Je rêve alors d’une allègre liberté, futile mais légère,
Aérée par un art de vivre maigre mais sincère.
Je rêve d’une réunion avec l’arbre de la vie,
Et je m’efforce, à comprendre maintenant seulement,
Que je ne m’en était jamais séparé.
Le vent souffle caressant ma peau d’écorce.